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ANALYSE DE LA PIÈCE

ses adieux pour son amante. Mais alors, l’attendrissement s’empare de lui et le conduit jusqu’à la lâcheté. Isabelle, sur le point de lui annoncer sa délivrance, s’arrête, terrifiée ; elle voit venir le moment où son frère tombera de la plus haute noblesse de cœur à l’aveu honteux de son désir de vivre et où il lui demandera si le prix de sa vie lui semble exorbitant. Elle se redresse épouvantée, repousse le lâche et lui jette tout son mépris à la face. Elle le remet entre les mains du geôlier et sort de la prison. À peine dehors, elle reprend son air joyeux. Résolue de punir le frère versatile en le laissant dans l’incertitude de son sort, elle n’abandonne pas son intention de délivrer la terre de l’hypocrite faiseur de lois. Elle donne à Friedrich rendez-vous pour la nuit et prévient Marianne d’y aller à sa place. Afin de perdre plus sûrement l’ennemi, elle a choisi comme lieu de rencontre les abords d’une des maisons de plaisir dont il avait lui-même ordonné la fermeture, et il doit y venir masqué.

« Pour punir également Luzio de son effrontée déclaration d’amour, elle lui fait part des propositions de Friedrich et de l’obligation où elle est d’y répondre. Elle le lui dit d’un ton si frivole que le jeune homme, d’ordinaire frivole lui-même, est pris d’étonnement et de désespoir furieux. Il jure qu’il empêchera cette honte inouïe d’atteindre la noble jeune fille, qui veut s’y soumettre, dût-il pour cela mettre tout Palerme en révolution. Et vraiment, il réussit à rassembler tous ses amis et connaissances à l’entrée du Corso comme pour assister au défilé du grand cortège de Carnaval. Il les rejoint à la tombée de la nuit et, au milieu de la joie et des cris, il