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HIVER 1835-1836

sion alors, j’eus à ma disposition une quantité de voix masculines, telle que les plus grands théâtres ont peine à en réunir de semblable. Plus tard, à Paris, me trouvant en compagnie de M. Auber, avec lequel je prenais souvent des glaces au café Tortoni, je pus lui raconter que le chœur des militaires révoltés qui, dans son Lestocq, se laissent entraîner à une conspiration, avait été chanté, sous ma direction, par une compagnie entière de soldats. Il m’en remercia avec un étonnement joyeux.

Ces succès et les conditions encourageantes dans les quelles je travaillais me donnèrent aussi de l’entrain pour achever mon Liebesverbot. Je décidai que la première en aurait lieu à l’occasion du bénéfice qui m’avait été promis en dédommagement de mes dépenses de voyage. Je travaillais donc en même temps à ma gloire future et à une amélioration non moins désirable de ma situation pécuniaire. Avec une ardeur inouïe, je consacrai à ma partition les quelques heures mêmes que je réservais habituellement à Minna. Cette application émut la mère de mon amie. Depuis l’été, elle vivait auprès de sa fille et lui tenait son ménage. Mais elle voyait notre liaison d’un œil soucieux et sa présence avait donné à nos relations un caractère plus sérieux qu’autrefois.

La question de savoir à quoi allait aboutir notre amour se présentait tout naturellement. J’avoue que la pensée d’un mariage me remplissait d’inquiétude, ne fût-ce qu’à cause de ma grande jeunesse ; sans m’adonner précisément à des réflexions ou à des considérations de raison, un secret instinct m’empêchait de prendre une décision si grave pour ma vie entière. À cela s’ajoutait