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ASSEMBLÉE DES CRÉANCIERS

qui se livra dans cette petite salle fut d’une barbarie telle, que rarement, sans doute, on en entendit de semblable dans un concert. L’orchestre, de toute sa supériorité, se jeta avec une telle furie sur le faible public, que celui-ci abandonna toute résistance et prit la fuite, littéralement. Par amabilité pour moi, Mme Schröder-Devrient était restée dans une des premières rangées, afin d’assister au reste du concert ; mais, quoiqu’elle eût sans doute déjà éprouvé plus d’un effroi de ce genre, elle se sentit incapable de supporter celui-ci. À une nouvelle attaque des positions françaises par les Anglais, elle se tordit les mains et se sauva, elle aussi. Ce fut le signal d’une vraie panique. Tout le monde se précipita hors de la salle et je demeurai en tête à tête avec l’orchestre pour fêter la victoire de Wellington. C’est ainsi que s’acheva ce mémorable festival.

Mme Schroder-Devrient repartit bientôt, et, tout en regrettant l’échec qu’avait subi sa bonne volonté, elle m’abandonna à mon sort. J’allai chercher quelque consolation auprès de ma bien-aimée, très chagrinée aussi, et m’étant armé de courage, pour la bataille prochaine qui, selon toute apparence, ne s’achèverait pas en une triomphale symphonie, je regagnai ma chambre d’hôtel le lendemain de bonne heure. Il me fallut traverser la haie des messieurs et des dames auxquels j’avais donné rendez-vous à cette heure matinale, pour recevoir leurs réclamations. Je me réservai le droit de choisir parmi mes visiteurs ceux que j’allais entretenir d’abord. Pour commencer, j’emmenai dans mon appartement le second trompette de l’orchestre qui s’était occupé de la musique