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SUCCÈS DE L’OUVERTURE

sant comme un mirage. Elles devaient le rendre par les nuances les plus délicates et dans les plus diverses modulations : c’était la terre espérée que cherchait le regard du héros, la terre qu’il avait déjà cru entrevoir plusieurs fois, qui toujours disparaissait dans l’Océan et qui enfin, sous le ciel du matin, se montrait réellement aux yeux des navigateurs tel que le monde immense de l’avenir. Les six trompettes s’unissaient alors dans le mode fondamental et faisaient retentir le motif principal en une magnifique allégresse.

Connaissant l’excellence des trompettes de régiment prussiens, j’avais très justement calculé que l’effet de ma phrase finale serait entraînant. La pièce elle-même fut jouée sans respect et gâtée surtout par un comédien vaniteux, Louis Meyer, chargé du personnage principal et, en même temps, de la régie. Il prétendit ne pas avoir eu le temps d’apprendre suffisamment son rôle, ce qui ne l’empêcha pas d’enrichir, aux dépens d’Apel, sa garde-robe des superbes costumes qu’il endossait l’un après l’autre pour représenter Christophe Colomb. Mais enfin Apel avait vu une véritable représentation de sa pièce. On ne la rejoua pas, il est vrai ; toutefois elle me donna, à moi, l’occasion d’augmenter ma popularité auprès du public de Magdebourg par l’exécution de mon ouverture, que l’on redemandait dans les concerts.

L’événement principal de cette saison théâtrale ne devait cependant se produire que vers sa fin. J’avais su persuader à Mme Schröder-Devrient, qui se trouvait à Leipzig, de faire une tournée jusque chez nous. J’eus donc la grande satisfaction et l’émotion enthousiaste de