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AMITIÉ DE MINNA

billon, qui cependant ne l’entraînait pas et la touchait à peine. Tandis que les autres actrices, surtout celles de l’opéra, n’étaient que les habituelles caricatures grimaçantes de comédiennes, la belle Minna tranchait sur son entourage, par son sérieux sans affectation, sa svelte élégance ainsi que par l’absence de toute préciosité théâtrale ou de bouffissure d’artiste.

Un seul acteur pouvait lui être comparé par des qualités analogues aux siennes ; c’était Frédéric Schmitt. Il venait d’entrer au théâtre et il espérait faire fortune à l’opéra, genre pour lequel le désignait son admirable voix de ténor. Lui aussi se distinguait du reste du personnel par le sérieux qu’il apportait à ses études et à son chant. Le timbre mâle et expressif de sa voix, sa noble et pure prononciation, la façon intelligente dont il détaillait sa phrase, sont demeurés de vrais modèles à mes yeux. Malheureusement, son manque de talent théâtral et la gaucherie de son jeu scénique entravèrent bientôt son développement. Pour moi, il resta un homme intelligent et original, d’un caractère sûr et honorable, et digne en tous points d’être fréquenté.

Une autre fréquentation me devint au bout de peu de temps une habitude délicieuse ; c’était celle de mon aimable voisine. Minna Planer répondait avec un bienveillant étonnement et une absence complète de coquetterie aux avances naïvement impétueuses du chef d’or chestre de vingt et un ans. Il y eut bientôt entre nous des rapports amicaux et familiers. Un soir que je rentrais assez tard dans mon rez-de-chaussée et qu’ayant oublié ma clef, je passais par la fenêtre, Minna fut attirée par