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À NUREMBERG

avait produit un effet émouvant si inattendu, qu’il en avait manqué sa rentrée.

À Noël, mon ouvrage était terminé. J’avais recopié ma partition avec une conscience digne d’éloges et je devais retourner à Leipzig au nouvel an, pour tâcher de faire accepter mon opéra par le directeur du théâtre. En chemin, je m’arrêtai à Nuremberg, où je restai huit jours chez ma sœur Clara et son mari. L’un et l’autre étaient engagés au théâtre de cette ville. Je me rappelle la sensation agréable que j’éprouvai à me sentir près de parents que, peu d’années auparavant, j’avais quittés à Magdebourg fort en peine de voir que je me vouais à la musique. Maintenant je comptais parmi les musiciens. J’avais écrit un grand opéra et plusieurs de mes œuvres avaient été jouées sans être sifïlées. Cette pensée me faisait du bien. Elle n’en faisait pas moins à mes bons parents, qui constataient avec une satisfaction visible que ce que l’on avait considéré comme un malheur avait, en fin de compte, tourné à mon avantage. J’étais joyeux, exubérant d’une gaieté qui s’harmonisait heureusement avec l’humeur habituelle de mes hôtes et l’entrain qui régnait alors dans les cabarets de la ville. Je rentrai à Leipzig plein de confiance en moi-même et dans les meilleures dispositions possible. Dès mon arrivée, je soumis à ma chère mère et à ma sœur, qui en furent très heureuses, les trois gros volumes qui formaient ma partition.

Ma famille s’était agrandie par la rentrée de mon frère Jules, qui venait d’achever son tour d’Europe. Il avait travaillé longtemps à Paris comme bijoutier