Page:Wagner - Ma vie, vol. 1, 1813-1842.pdf/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

130
INNOCENTE IDYLLE

dans le désordre général, je finis par montrer ouvertement mes sentiments pour Frédérique. Bien tard dans la nuit, presque au lever de l’aurore, une voiture à ridelles ramena la société a Wurtzbourg. Ce retour fut le moment triomphal et délicieux de mon agréable aventure. Tandis que tous nos compagnons, le mélancolique joueur de hautbois y compris, cuvaient leur vin en sommeillant sous les premiers rayons du jour, moi, je veillais, ma joue appuyée contre la joue de Frédérique, et j’écoutais l’alouette qui annonçait le lever du soleil.

Les jours suivants, nous eûmes à peine conscience de ce qui s’était passé. Un sentiment de confusion, qui ne manquait pas de charme, nous empêchait de nous rapprocher. J’obtins aisément d’être reçu dans la famille de Frédérique, et j’étais toujours accueilli amicalement, quand, dans ce logis d’où était banni l’infortuné fiancé, je venais passer quelques heures auprès de la jeune fille et lui témoigner ma tendresse.

Jamais on ne faisait allusion au musicien et jamais non plus Frédérique ne songea à rompre sa première liaison, car il ne venait à l’idée de personne que je pusse prendre la place du fiancé. La cordialité avec laquelle chacun m’accueillait, et notamment Frédérique, semblait un phenomene naturel. On ne s’en étonnait pas plus que du retour du printemps après l’hiver. Nul ne se livrait à des calculs mesquins et bourgeois, et cet amour de jeunesse eut cela de charmant qu’il n’éveilla jamais aucune préoccupation ni aucun souci.

Notre idylle ne prit fin qu’à mon départ de Wurtzbourg, et les adieux se firent au milieu des larmes et des