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ALEXANDRE MÜLLER

piano. Cette maigre ritournelle, avec ses interludes tout aussi pauvres, ne me laissa pas deviner l’orchestration lourde et bruyante de Bellini. Aussi le compositeur d’une grande symphonie en ut majeur avec fugue finale ne sut-il se tirer d’affaire qu’au moyen de quelques flûtes et clarinettes, accompagnant en accords de tierce. À la répétition avec orchestre, la cavatine parut si vide et si morne que mon frère renonça à la chanter. Il me fit même d’amers reproches à cause des frais de copie. Heureusement, je pris ma revanche en ajoutant dans le Vampire de Marschner un nouvel allegro à l’air d’Aubry, le ténor. J’en fis le texte et la musique, et le tout produisit un effet si diabolique que j’y gagnai la faveur du public et l’approbation de mon frère. Au cours de cette année 1833, j’achevai dans le même style allemand la musique de mes Fées.

Après Pâques, mon frère et sa femme s’absentèrent de Wurtzbourg pour répondre à quelques invitations. Je restai donc seul avec leurs enfants, trois fillettes d’âge tendre. Je me vis ainsi obligé de jouer le singulier rôle d’éducateur responsable, rôle que je ne remplis pas d’une façon bien brillante. Tantôt occupé par mes travaux, tantôt entraîné par une joyeuse compagnie, je négligeai forcément mes enfants adoptifs. Un de mes amis de cette époque acquit une grande influence sur moi : c’était Alexandre Müller, musicien et pianiste de talent en même temps qu’homme du monde à succès. J’admirais surtout son don d’improvisation : il brodait toutes les variantes possibles sur un thème donné et savait me captiver ainsi pendant des heures.