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HENRI LAUBE

les choses élevées. C’est d’elle que j’ai entendu les premiers accents d’enthousiasme sur tout ce qui m’émut plus tard moi-même. Toujours elle avait autour d’elle un petit cercle d’hommes de valeur, épris du beau, et jamais la moindre affectation ne gâta ces rapports. Au retour de ma longue absence, je trouvai un nouveau venu dans ce cercle. C’était Henri Laube. Il avait été accueilli aimablement dans ma famille et le milieu de Rosalie.

Les suites de la révolution de Juillet commençaient à se faire remarquer dans les jeunes esprits allemands. Laube se distingua bientôt sous ce rapport. Jeune encore, il était venu de Silésie à Leipzig, siège central du commerce de la librairie, afin de se procurer les recommandations qu’il lui fallait pour aller rejoindre à Paris le célèbre Boerne, dont les lettres faisaient sensation chez nous aussi. Laube avait eu ainsi l’occasion d’assister à la représentation d’une pièce de Louis Robert : la Force des circonstances. Il en fit paraître, dans le Tageblatt de Leipzig, une critique qui, par sa forme vive et tranchante, produisit un tel effet qu’on offrit immédiatement au jeune écrivain la rédaction du Journal du monde élégant, ainsi que diverses collaborations littéraires. Dans notre maison, on le considérait comme un talent brillant. Sa manière incisive, brève et parfois mordante, qui toutefois, avait quelque peine à s’exprimer poétiquement, lui valut une réputation d’originalité et de hardiesse. Sa droiture et sa franchise un peu rude rendaient sympathique ce caractère trempé par les épreuves d’une jeunesse difficile.