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LA NEUVIÈME SYMPHONIE

Le neuvième symphonie de Beethoven qu’on jouait chaque année à Leipzig donna lieu ainsi à l’une des auditions les plus singulières auxquelles j’aie assisté. Les trois premières parties avaient été exécutées tant bien que mal sans chef d’orchestre et avec autant de simplicité qu’une symphonie de Haydn. Polenz parut alors pour diriger, non pas comme d’ordinaire un air italien ou une cantate, mais bien la plus compliquée de toutes les compositions, cette quatrième partie, à l’harmonie si énigmatique, surtout dans le prélude. Je n’oublierai jamais l’impression que me fit, à l’une des premières répétitions, le début de cette quatrième partie, au mouvement d’une inquiétude si recherchée et que traverse le cri sauvage de la fanfare ; sous la lourde direction de Polenz, ce ne fut qu’un galimatias au rythme singulièrement boiteux. On jouait très lentement afin de permettre au récitatif des contrebasses de suivre de leur mieux, mais elles n’y réussirent jamais. Polenz suait sang et eau. Les basses n’arrivaient pas en mesure. Et je finis par me demander avec inquiétude si Beethoven n’avait vraiment pas écrit là quelque chose d’absurde. Le bassiste Temmler, un vétéran de l’orchestre, franc et rude, se décida à conseiller à Polenz de jeter son bâton de côté ; de cette manière enfin, on put exécuter le récitatif. Mais depuis que j’avais entendu cette dernière partie dans de telles conditions, alors inexplicables pour moi, un doute humiliant avait germé dans mon esprit ; je ne savais plus si j’avais compris ou non cette œuvre extraordinaire. Je cessai cependant de me creuser la cervelle à ce sujet, et, sans aucune affectation, je me