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PROGRÈS MUSICAUX

mesure que j’écrivais, me faisant ses observations et me conseillant. À midi, il me laissa partir et me donna pour tâche d’achever le travail à la maison en complétant les voix secondaires. Lorsque je lui rapportai la fugue terminée, il me demanda de la comparer à celle qu’il avait faite sur le même thème. L’étude commune de cette fugue fut le point de départ d’une féconde amitié entre le professeur et l’élève. À partir de ce moment, les leçons devinrent pour tous deux un véritable plaisir. J’étais étonné de voir le temps passer si vite. Deux mois après, j’avais composé un certain nombre de fugues pleines d’artifices et je m’étais assimilé rapidement les plus difficiles évolutions du contrepoint. J’apportai alors à mon maître une fugue à deux sujets richement fournie. Je fus positivement effrayé quand il me déclara que je pouvais me vanter de cette composition et que je n’avais plus rien à apprendre de lui ; elle ne m’avait coûté aucune peine, et, dans la suite, je me demandai souvent si j’avais réellement de la méthode comme musicien. Weinlich lui-même ne paraissait pas attacher grande importance à ce que j’avais appris chez lui. Il me disait : « Vous n’écrirez sans doute jamais ni fugues ni canons, mais vous vous êtes approprié l’indépendance. Vous pouvez maintenant marcher tout seul, car vous savez travailler selon les règles de l’art, si c’est nécessaire. »

Le résultat principal de son influence sur moi fut de m’inculquer le goût de la clarté et de la limpidité, que j’appréciai à son exemple. La fugue dont j’ai parlé, j’avais dû l’arranger pour le chant sur un texte donné, et mon penchant pour la musique vocale en avait été éveillé.