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devant Siegfried, au troisième acte! En face de son anéantissement, il est enfin si complète- ment humain que, — en dépit de ses intentions, — son vieil orgueil se redresse et (remarque-le bien), excité par — jalousie pour Brunnhilde ; car celle-ci est devenue son point vulnérable. Il veut, en quelque sorte, ne pas se laisser mettre de côté sans résistance, il veut tomber, — être vaincu : mais, cela aussi, est si peu intentionnel chez lui qu’aussitôt, dans l’entraînement de la passion, il court à de nouvelles conquêtes, des conquêtes qui, — ainsi qu’il le dit, --ne peuvent que le rendre plus malheureux. — Pour marquer mes intentions, j’ai dû imposer à mon sentiment des limites extrêmement délicates : mon héros, bien entendu, ne doit pas donner l’impression d’un inconscient ; j’ai cherché, au contraire, à représenter en Siegfried l’homme le plus parfait, selon ma conception, dont la conscience se révèle en cela qu’elle ne se manifeste jamais que dans la vie et l’acte immédiatement présents ; à quelle hauteur s’élève cette conscience, — qui ne peut jamais être exprimée, — c’est ce que te rendra clair la scène de Siegfried avec les filles du Rhin ; ici, nous apprenons que Siegfried est infiniment sachant, car il sait la chose essentielle, à savoir que la mort est meilleure que la vie dans la peur: il connaît aussi l’anneau, mais il méprise sa puissance, parce qu’il a mieux à faire; il le garde seulement comme témoignage de ce qu’il n’a pas appris à avoir peur. Conviens que devant