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réalité, c’est au degré de civilisation qu’est due cette différence. Elle est d’ailleurs facile à comprendre. La langue de Beethoven ne saurait être parlée que par un homme complet, puissant et chaleureux, puisqu’elle était précisément la langue d’un musicien si génial, que dépassant d’un coup le domaine de la musique absolue, il nous indiquait la voie de la fécondation de tous les arts par la musique comme étant le royaume même où elle devait régner en maîtresse absolue.

La langue de Bach, au contraire est encore trop formaliste, trop rigoureusement étroite, pour qu’elle ne puisse donner lieu à des imitations faites par un musicien adroit. L’expression individuelle n’y prédomine pas assez pour que le fonds seul nous attire, alors qu’en réalité elle est encore à se demander comment elle peut s’exprimer. Il est évident que si ce n’est pas à Mendelssohn lui-même que nous devons, de par ses efforts à exprimer par des artifices de métier éblouissants et étonnants, des choses vagues et insignifiantes, la déliquescence de notre style musical actuel, il y a néanmoins grandement contribué et a atteint le plus haut degré dans cette façon d’exprimer ses sentiments.

Beethoven, qui est le dernier en date de nos héros de la musique, s’était efforcé avec une volonté ardente et une puissance admirable, à créer des formes musicales bien nettes, bien plastiques, représentatives de ses tableaux de pure éloquence ; Mendelssohn, au contraire, fait de ces images aux contours bien définis quelque chose de vague, de fantaisiste, plein d’ombres. Notre imagination peut être