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de la nation où il vit de génération en génération, mais il la parle comme un étranger. Ce qui nous intéresse n’étant pas de chercher les causes de cet état de choses, nous n’avons pas à prendre parti contre la civilisation chrétienne, et à lui reprocher d’avoir condamné le Juif à sa farouche solitude, et nous n’avons pas à nous occuper des résultats de cet isolement. Qu’il nous suffise de déduire et de mettre en lumière les caractères esthétiques de ces événements.

Par le fait que le Juif parle les langues européennes, non comme un indigène, mais comme des langues apprises, il est dans l’incapacité de s’exprimer suivant l’originalité et le génie propres à chaque langue. Une langue, son expression et son développement, n’est pas le fait de quelques individus, mais doit son existence au travail de toute une communauté, et seul celui qui fait partie intégrante de cette communauté, peut prendre part à ce travail continu de création. Mais le Juif se tenait forcément en dehors de cette communauté, seul avec son Jéhovah, faisant partie d’une race dispersée et dont la langue elle-même (l’hébreu) devait rester une langue morte. Jusqu’à présent, il a été impossible aux plus grands génies de s’exprimer en poète dans une autre langue que leur langue maternelle ; et pour le Juif, toute la civilisation et tout l’art européens sont restés choses étrangères, car il n’a pas plus participé à la formation de la première qu’au développement du deuxième et il est le plus souvent resté un spectateur froid, sinon hostile. Le Juif ne peut