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FASOLT

D’être privé de la Femme, sache-le, j’ai le coeur navré[1] : s’il me faut ne plus penser à elle, qu’on entasse le Trésor, les bijoux, les lingots, jusqu’à ce qu’ils me cachent sa Beauté ![2].

WOTAN

Soit ! Prenez les mesures de Freya.

(En plein sol, par-devant FREYA, qu’ils mesurent ainsi en long et en large, FASOLT et FAFNER fichent leurs pieux.)

FAFNER

Les pieux sont plantés ; c’est la mesure du gage : que le Trésor la comble[3].

WOTAN

Qu’on en finisse vite : le dégoût m’écœure !

LOGE

Aide-moi, Froh !

FROH

Volontiers ! finir ce supplice de Freya !

(LOGE et FROH entassent, rapidement, le Trésor, entre les deux pieux.)
  1. Comparer ce passage de l’Edda : « Dans la cour se promenaient les troupeaux à cornes d’or, les boeufs noirs, la joie du géant : « J’ai de l’or, j’ai des perles, Freya seule me manquait. » (La Recherche du Marteau.)
  2. Littéralement : « la Fleurissante. »
  3. Mon collaborateur Edmond Barthélemy a parfaitement mis en lumière (IVe partie de son Etude) avec quel génie créateur Wagner a transposé de l’Edda toute cette admirable scène poétique. Je prie donc le lecteur de se reporter ci-dessus, à la page 194, pour les sources. Je rappelle seulement que, dans les Eddas, les Dieux, dont Odin et Loki, ayant tué une loutre Otur, fils métamorphosé d’un certain Hreidmar, le père et les frères de la loutre se saisissent des meurtriers : « On écorcha la loutre, et Hreidmar, ayant pris la peau, dit qu’il fallait la remplir d’or rouge, puis la recouvrir aussi d’or extérieurement, et qu’ainsi ils achèteraient la paix. » (Edda de Snorro.)