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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

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nettement : Sans doute, y peut-on lire en somme, sans doute l’opéra italien était devenu un genre à part, qui, n’ayant pas le moindre rapport (1) avec le Drame proprement dit, n’y gagnait guère d’avoir aucun rapport, d’ailleurs, à l’esprit de la Musique elle-même proprement dite : mais enfin la notion ne s’impose pas moins qu’en Italie, depuis la naissance de l’opéra, n’a cessé d’exister et de se perpétuer intégralement, jusqu’à nos jours, une pleine harmonie réciproque, originelle et nationale, entre les authentiques tendances des compositeurs indigènes (2) et les conditions de viabilité faites au genre par ses interprètes, par la nature de son public (3). – « Il en est de même en France », ajoute Richard Wagner ;

(1) « … qui n’avait rien a faire avec le drame véritable », peut-on lire dans la traduction de la Lettre sur la Musique, p. IX. – Sur cet « étrange français », cf. ci-dessus les notes (3) de la p.47, et (1) de la p.49.

(2) « En Italie, où s’est constitué d’abord l’opéra, quelle était la mission unique du musicien ? Il avait à écrire pour tels ou tels chanteurs, chez qui le talent dramatique n’avait qu’une place tout à fait secondaire, des airs destines exclusivement à fournir à ces virtuoses l’occasion de déployer leur habileté. Poème et scène n’étaient qu’un prétexte, ne servaient qu’a prêter un temps et un lieu à cette exhibition de virtuoses ; la danseuse alternait avec la chanteuse, elle dansait ce que la première avait chanté ; et le compositeur avait, pour tout emploi, à fournir des variations d’un type d’airs déterminé, (Lettre sur la Musique, p. IX).

(3) « L’opéra réunissait, en Italie, un publie qui consacrait sa soirée à l’amusement, et se donnait, entre autres amusements, celui de la musique chantée sur la scène on prêtait de temps en temps l’oreille à cette musique, lorsqu’on faisait une pause dans la conversation ; pendant la conversation et les visites réciproques d’une loge à l’autre, la musique continuait : son emploi était celui qu’on réserve à la musique de table dans les diners d’apparat, savoir, d’animer, d’exciter, par son bruit, l’entretien qui languirait sans elle. La musique, qui est jouée dans ce but et pendant ces conversations, forme le fond proprement dit d’une partition italienne ; au contraire, la musique qu’on écoute réellement ne remplit pas peut-être un douzième de la partition. L’opéra italien doit contenir au moins un air qu’on écoute volontiers ; pour son succès, il faut que la conversation soit interrompue et qu’on puisse