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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

persévérance, il réussit à découvrir, en une de ses œuvres ferventes comme des appels vers l’Inconnu, la mystique certitude de la mission divine qui constitue sa raison d’être ? L’Art n’est-il pas un peu, pour ses prédestinés, le Dieu de Pascal, ce dieu caché, qui ne se révèle qu’à quelques-uns, et à ces quelques-uns encore que partiellement ? Dieu d’épreuve, en qui croire est un acte d’amour, mais un acte aussi de volonté ; dieu sévère, qui ne peut approuver que ceux qui le cherchent en gémissant ; mais dieu bon : « Tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais déjà trouvé » ; mais dieu juste, et dont la justice, quand sonne l’heure marquée pour sa grâce, fait infailliblement succéder pour toujours : à la foi tâtonnante, cette certitude mystique ; à l’instinct « sûr » mais vague, un sentiment conscient ; aux tortures du désir, une paix miraculeuse ; à cette gémissante quête la Joie, les pleurs de Joie de la découverte ! C’est en composant Lohengrin, en créant l’Elsa de Lohengrin, que Richard Wagner la connut, cette certitude de sa mission, récompense d’une intransigeante et méritoire sincérité : « Elsa » déclare-t-il, « a fait de moi un révolutionnaire complet (1). » Il m’entrainerait trop loin d’en résumer ses preuves ; qu’un autre document suffise : 1847, Lohengrin est achevé ; 1847, Richard Wagner écrit : « Je dois considérer mes entreprises présentes comme des expériences pour répondre » (et la réponse n’est plus douteuse) « à cette question, » – la vraie question : « L’opéra » (c’est la première fois que Wagner s’en prend au genre lui-même), l’opéra, donc, « est-il possible ? »

« Possible ? » Entendons-nous, d’abord : Wagner n’a jamais eu la prétention de nier – c’eût été nier l’évidence – qu’en Italie, surtout, l’opéra le fût, « possible ». Dans la Lettre sur la Musique, il s’en est expliqué

(1) Communication à mes amis (t. IV).