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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

saurait plus être actuellement (1894), que le deuxième en date des trois monuments destinés à perpétuer, par des attestations de plus en plus grandioses, la mémoire des Trois Pas qui rendirent à Wagner, et à ses pairs du ciel de l’Art, la pleine possession de leur domaine, la possibilité de créer des mondes immenses, comme l’Anneau du Nibelung, comme les Maîtres-Chanteurs, comme Tristan et Isolde, enfin comme Parsifal. Mais il sied avant tout que de ces « Trois Pas » de Wagner je dise quelques mots du dernier, commémoré par Lohengrin.

« L’intérêt de Lohengrin, » lit-on dans la Lettre sur la Musique, « repose sur une péripétie qui s’accomplit dans le cœur d’Elsa, et qui touche à tous les mystères de l’âme (1). » C’est vrai. Plus exclusivement même, s’il se peut, que dans Tannhäuser, l’action, dans Lohengrin, est toute psychologique ; elle est psychologique au point que les sentiments, les passions, les désirs humains des personnages, paraissent exercer, sur la production des faits extérieurs mis en scène, une irrésistible influence nécessitante et créatrice ; elle est psychologique (il en est d’autres preuves, mais je ne puis guère songer à les fournir ici), elle est psychologique au point que la plupart des commentateurs, trompés par certains préjugés, reprochent à l’ensemble du drame, comme des erreurs de « construction », d’ « exécution », de « charpente », d’ « intrigue » (il faut sourire !), tels détails matériels légitimement conformes au but intégral de Wagner. Vaines critiques, si faciles à réfuter, d’ailleurs, pour quiconque a lu ce qui précède, pour qui s’est rendu compte, après Richard Wagner, qu’en dépit des industriels du théâtre contemporain, - grands amateurs d’imbroglios, mesquins chercheurs de scènes-à-faire, corrupteurs du goût po- pulaire, et conservateurs du faux-goût public, l’élément

(1) Lettres sur la Musique, nouv. éd., p. LX.