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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

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soient révélées, à l’instant même, toutes les rigoureuses conséquences pratiques de sa définitive option : il suffit de jeter un coup d’œil sur l’ensemble des trois poèmes consécutifs à cette option (c’est-à-dire le Vaisseau-Fantôme, Tannhäuser et Lohengrin) pour s’apercevoir qu’au contraire l’artiste n’apprit que par degrés à tirer un profit complet des spéciales virtualités dramaturgiques de la Légende : l’accroissement du volume textuaire, d’œuvre en œuvre, justifie déjà cette observation. C’est qu’au début Richard Wagner demeurait encore, en dépit de lui-même, trop préoccupé, beaucoup trop, de la forme traditionnelle propre à la musique d’opéra : et cette forme rendait impossible, on le sait assez, un poème qui aurait exclu la réitération, fréquente, des mêmes paroles et des mêmes phrases (1) ; impossible, un texte vocal où la disposition des vers n’aurait pas été combinée pour permettre à ces mêmes paroles, à ces mêmes phrases, supports élastiques de la mélodie, de communiquer au poème, par l’artifice de leur retour, l’extension voulue par cette mélodie (2).

Aussi le Vaisseau-Fantôme marque-t-il moins le souci de renoncer à la coupe classique des morceaux-types dits d’opéra, qu’une tendance à lier entre eux ces morceaux-types ; à en approprier l’usage, à en subordonner l’emploi, aux nécessités immédiates du drame, et bref à déjà fondre en un tout homogène, - poétique, musical, plastique, - les éléments divers de l’œuvre. Au reste, le seul but que Wagner se fût volontairement proposé d’y remplir consistait (pour parler une fois l’étrange français du traducteur de la Lettre sur la Musique)(3) à ne jamais « sortir des traits les plus simples de l’action » ; à s’abstenir de toute intrigue empruntée à la vie vulgaire, comme de tout détail

(1) Cf. Lettre sur la Musique, éd. nouv., p. LIX.

(2) Cf. Id., p. LXII.

(3) Sur cet « étrange français »? cf. ci-dessous p. 49, note(1).