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AVANT-PROPOS

DU TRADUCTEUR

supérieur de l’Art ; puisque le grand, le puissant, le beau, dans la conception, sont choses qu’on peut, Wagner ne l’a jamais nié, rencontrer dans beaucoup d’ouvrages de maîtres justement célèbres (1) : existait-il pour le théâtre, à défaut d’une création-type de Beethoven, existait-il, de ces grands maîtres, une création sinon modèle, tout au moins issue, consciemment ou non, de besoins, de désirs, d’intuitions, d’idées, analogues aux besoins, aux désirs conscients, aux intuitions, aux idées conscientes, suscités, en Richard Wagner, par l’audition de la Symphonie avec Chœurs ? Existait-il une création propre à préciser, pour lui-même, au moyen d’exemples directs, au moyen d’éléments concrets de comparaison, les conditions suivant lesquelles il pourrait extérioriser, en une œuvre viable et significative, ses nouvelles vues beethoveniennes ? Dans tous les cas, si d’aventure elle existait, cette création, facile est-il de voir que ce n’était guère La Juive. Quoi ? le Freyschütz alors ? Plutôt ! Aussi bien n’est-ce pas sans motif que j’ai choisi, pour les nommer, ces deux opéras parmi tous : l’un, la Juive, à cause de sa date (2) ; l’autre, le Freyschütz, à cause d’un document, dont l’authenticité m’oblige à signaler l'œuvre fantastique de Weber, interprétation d’une légende, comme ayant, la première après la Symphonie, provoqué chez Wagner une crise que, classiquement, j’appellerais volontiers sa « nuit de révélation » : c’est au retour, en effet, d’une représentation du Freyschütz à l’Opéra qu’il conçut avec enthousiasme, en 1841, quelle mission s’imposait alors, après Beethoven et Weber, au musicien allemand, au dramaturge allemand celle de rassembler dans le lit du Drame, mais surtout du Drame légendaire, le torrent de la musique allemande, tel que Beethoven l’avait

(1) Lettre sur la musique, éd. nouv., p. LXXVIII.

(2) 1833.