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AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR

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tenant on peut apprécier cet ouvrage d’après les lois les plus rigoureuses qui découlent de mes affirmations théoriques (1) », il n’en était pas moins amené à cette immédiate restriction : « Non pas qu’il ait été modelé sur mon « système » (2), car j’avais alors oublié toute théorie... Il n’y a pas de félicité supérieure à cette parfaite spontanéité de l’artiste dans la création, et je l’ai connue, cette spontanéité, en composant mon Tristan. Peut-être la devais-je à la force acquise dans la période de réflexion qui avait précédé (3). Très juste vue ! C’est qu’en effet, lorsque Richard Wagner se mit à son Tristan, accomplie était pour jamais l’évolution de son esthétique, évolution déterminée par la conception de la Tétralogie (4). Si donc le Poète-Musicien, dans une traduction de ses poèmes, voyait avant tout, comme je l’ai montré, le moyen de rendre plus facile à des Français l’intelligence de ses principes; si d’autre part Tristan, conforme à ces principes, n’en avait pas moins été composé dans « la plus entière liberté, la plus complète indépendance de toute préoccupation théorique (5) », - on saisit instantanément quels motifs purent pousser l’artiste à désirer, à proposer : une traduction française de L’Anneau du Nibelung; quels motifs (si alors elle eut été possible) la lui

(1) Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LV.

(2) Cf. ci-dessus, p. 9, note (1).

(3) Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LV.

(4) « Mes conclusions les plus hardies, relativement au drame dont je concevais la possibilité, se sont imposées à moi parce que, dès cette époque, je portais dans ma tète le plan de mon grand Drame des Nibelungen, dont j’avais même déjà écrit le poème en partie et il avait, dès lors, revêtu dans ma pensée une forme telle, que ma théorie n’était guère autre chose qu’une expression abstraite de ce qui s’était développé en moi comme production spontanée. » Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LIV. - J’y reviendrai ci-dessous, p. 77.

(5) Lettre sur la Musique, nouv. éd., p. LV.