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Ils vivent, souffrent, mentent et calomnient effectivement dans les plus répugnantes conditions, dans les sales bas-fonds d’une utopie, en vérité forgée par l’imagination, et par là même irréalisée ; ils s’efforcent et se surpassent dans tous les artifices de l’hypocrisie afin de maintenir debout le mensonge de cette utopie, de laquelle ils culbutent chaque jour misérablement, estropiés de la passion la plus vulgaire et la plus frivole, sur le terrain plat et nu de la plus stupide réalité : et ils considèrent et décrient le seul moyen naturel de les délivrer de leur ensorcellement comme une chimère, une utopie, de la même manière que les malades d’une maison de fous tiennent pour vérités leurs imaginations délirantes, et pour délire la vérité.

Si l’histoire connaît une véritable utopie, un idéal réellement inaccessible, c’est bien le christianisme ; car elle a montré clairement et nettement, et montre encore chaque jour, que ses principes ne pouvaient être réalisés. Comment ces principes auraient-ils pu du reste devenir vraiment vivants, passer dans la vie réelle, puisqu’ils étaient dirigés contre la vie, qu’ils reniaient et maudissaient tout ce qui était vivant ? Le christianisme a un contenu purement spirituel, supra spirituel ; il prêche l’humilité, le renoncement, le mépris de toutes les choses terrestres, et dans l’ambiance de ce