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nature, cette superstition même qui a fait que l’homme s’est regardé jusqu’ici comme l’instrument d’un but extérieur à lui-même. Si l’homme sait enfin qu’il est lui même, lui seul, le but de son existence, s’il comprend qu’il ne réalisera ce but personnel le plus complètement possible que en communauté avec tous les hommes, sa profession de foi sociale ne pourra consister qu’en une confirmation positive des paroles de Jésus par lesquelles, il donnait ce précepte : « Ne prenez point souci de savoir ce que vous mangerez, ce que vous boirez, ni même ce dont vous vous vêtirez, car tout cela votre père céleste vous l’a donné de lui-même ! » Ce père céleste ne sera alors que la raison sociale de l’humanité, qui s’approprie la nature et sa fécondité pour le bien de tous. Dans le fait même que la simple conservation physique de la vie devait être jusqu’ici l’objet de soucis, et de vrais soucis paralysant le plus souvent toute activité psychique, rongeant le corps et l’âme, dans ce fait résidait, le vice et la misère de notre organisation sociale ! Ces soucis ont rendu l’homme faible, servile, stupide et misérable et en ont fait une créature qui ne sait ni aimer, ni haïr, un bourgeois, qui abandonne à chaque instant le dernier reste de sa libre volonté, dès qu’il peut être allégé de ces soucis.

Quand l’humanité fraternisante aura une