Page:Wagner - L’Art et la Révolution, 1898, trad. Mesnil.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 79 —

l’exercice de cette contrainte, la reconnaissance de ce principe n’élevât finalement cette mécanisation déshonorante de l’homme à la hauteur d’une règle absolue, universelle et, pour en rester à notre sujet principal, ne rendît l’Art à tout jamais impossible ?

En vérité c’est là la crainte de maint loyal ami de l’Art ; et même de maint sincère ami des hommes, qui n’a réellement d’autre préocupation que de conserver la plus noble essence de notre civilisation. Mais ceux-là méconnaissent la véritable nature du grand mouvement social ; ce qui les égare, ce sont les théories en vue de nos socialistes doctrinaires, qui veulent conclure d’impossibles pactes avec notre société telle qu’elle existe actuellement ; ce qui les trompe, c’est l’expression immédiate de la colère de la portion la plus souffrante de notre société, colère qui en vérité sort d’un instinct naturel plus profond, plus noble, l’instinct de jouir dignement de la vie, dont l’homme ne veut plus payer péniblement l’entretien matériel en dépensant toutes ses forces vives, mais dont il veut goûter la joie en homme : c’est donc, à proprement parler, l’instinct de se dégager du prolétariat pour s’élever à l’humanité artistique, à la libre dignité humaine.

Mais c’est précisément le rôle de l’Art de faire reconnaître à cet instinct social sa noble