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bonheur durable que si elles appartiennent à tous les hommes.

Mais malheureusement on en est resté jusqu’ici à cette démonstration. En vérité la révolution de l’humanité qui dure depuis des milliers d’années se manifeste presque uniquement dans le sens de la réaction : elle a abaissé jusqu’à elle, jusqu’à l’esclavage, l’homme beau et libre ; l’esclave n’est pas libre, mais l’homme libre est devenu esclave.

Le Grec considérait l’homme beau et fort seul comme libre, et cet homme, c’était évidemment lui : ce qui se trouvait en dehors de cet homme grec, prêtre d’Apollon, était à ses yeux barbare, et quand il s’en servait esclave. Il était très exact que le non-grec fût en réalité barbare et esclave ; mais il était homme, et sa barbarie, son esclavage n’étaient pas sa nature, mais son destin, le péché de l’histoire envers sa nature, comme c’est aujourd’hui le péché de la société et de la civilisation si les peuples les plus sains dans le climat le plus sain sont devenus des misérables et des estropiés. Ce péché de l’histoire devait bientôt atteindre également le libre Grec : comme la conscience de l’amour absolu de l’homme ne vivait pas dans l’âme des nations, le barbare n’avait qu’à subjuguer le Grec, et en même temps que de sa liberté c’en était fait de sa force, de sa beauté ; et, dans un