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son esprit n’y est-il point présent, mais se porte-t-il sans cesse au-delà vers le but qu’il voudrait atteindre le plus directement possible. Mais si le but immédiat de l’ouvrier n’est que la satisfaction d’un besoin personnel, par exemple la construction de sa propre demeure, la fabrication de ses propres outils, de ses vêtements, etc, le plaisir qu’il prendra aux objets utiles restés en sa possession, fera naître aussi en lui peu à peu un penchant à travailler la matière selon son goût personnel ; lorsqu’il se sera ainsi fourni du nécessaire, son activité, dirigée vers des besoins moins pressants, s’élèvera d’elle-même au niveau de l’art : mais s’il doit se dépouiller du produit de son travail, s’il ne lui en reste que la valeur pécuniaire abstraite, il est impossible que son activité s’élève jamais au-dessus d’une activité machinale ; elle n’est pour lui qu’une peine, un triste, un amer labeur. C’est là le sort de l’esclave de l’industrie ; nos fabriques actuelles nous offrent l’image lamentable de la plus profonde dégradation de l’homme : un labeur incessant, tuant l’âme et le corps, sans joie ni amour, souvent presque sans but.

La déplorable influence du christianisme ici également n’est pas à méconnaître. En effet comme le christianisme plaçait le but de l’homme entièrement en dehors de son existence terrestre, et que ce but seul, le dieu