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à y opposer que ceci : pour atteindre le but proposé tous les moyens imaginables sont préférables à l’emploi de l’Art comme instrument et comme prétexte. Mais à cela on nous répond que, si l’on ne voulait pas employer l’Art de cette façon, l’Art cesserait d’exister et ne pourrait plus d’aucune manière être mis en contact avec la vie publique, — c’est-à-dire que l’artiste n’aurait plus de quoi vivre. En ce sens tout est lamentable, mais sincère, vrai et honnête : abaissement civilisé, imbécillité chrétienne moderne !

Mais que devons-nous dire — les conditions étant incontestablement telles — de la comédie hypocrite jouée par certains de nos héros d’art, dont la gloire est à l’ordre du Jour, quand ils se donnent l’air mélancolique d’artistes véritablement inspirés, quand ils cherchent à saisir des idées, emploient des rapports profonds, jouent les émotions violentes, remuent ciel et terre, en un mot, quand ils procèdent comme les honnêtes artisans de tantôt pensent qu’il ne faut pas procéder si l’on veut se débarrasser de sa marchandise ? Que devons-nous dire quand ces héros refusent réellement de ne faire que divertir et même affrontent le danger d’ennuyer afin de passer pour profonds, quand ils renoncent ainsi à de grands profits, et même — mais ceci n’est au pouvoir que d’un homme riche par la naissance — dé-