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de beauté et prendre un plaisir artistique à cette beauté, c’était la négation complète du christianisme même : et le fait de devoir chercher pour ces créations d’art un guide dans l’art païen des Grecs fut l’outrage le plus humiliant que dut subir le christianisme. Néanmoins l’Église s’appropria cet instinct artistique réveillé et, en conséquence, ne dédaigna pas de s’orner des plumes étrangères du paganisme et de se poser ainsi publiquement en menteuse et hypocrite.

Mais le pouvoir temporel eut aussi part à la renaissance des arts. Après de longues luttes, ayant affermi les bases de leur pouvoir, les princes, en possession de richesses sûres, sentirent s’éveiller en eux le désir de jouir de ces richesses avec plus de raffinement : pour ce faire, ils prirent à leur solde les arts empruntés aux Grecs : l’art « libre » était au service du grand seigneur, et, tout bien considéré, l’on ne saurait dire lequel était le plus hypocrite : Louis XIV, qui à son théâtre royal se faisait réciter d’habiles tirades contre les tyrans grecs, ou Corneille et Racine, qui, aux applaudissements de leur maître, mettaient dans la bouche de leurs héros de théâtre l’ardeur de liberté et la vertu politique de la Grèce et de la Rome anciennes.

Est-ce qu’un art réel et sincère pouvait donc exister là où il ne s’élevait pas de la vie com-