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production. Dans les veines malades du monde romain se répandit le sang sain des jeunes nations germaines ; malgré l’adoption du christianisme, un fort instinct d’activité, le goût des entreprises hardies, une indomptée confiance en soi-même restèrent l’élément des nouveaux maîtres du monde. De même que dans toute l’histoire du moyen âge, nous rencontrons toujours la lutte du pouvoir temporel contre le despotisme de l’église romaine comme le trait le plus saillant, l’expression artistique de ce nouveau monde ne pouvait se faire jour, là où elle cherchait à se manifester, qu’en opposition, en lutte, avec l’esprit du christianisme : en tant qu’expression d’une unité parfaitement harmonique du monde —tel était l’art du monde grec — l’art du monde chrétien ne pouvait se manifester, car au plus profond de lui-même existait entre la conscience et l’instinct vital, entre l’imagination et la réalité, une irréparable et irréconciliable scission. La poésie chevaleresque du moyen âge qui, comme l’institution de la chevalerie elle-même, devait opérer la réconciliation, ne put que mettre en évidence dans ses productions les plus marquantes le mensonge de cette réconciliation : plus haut et plus hardiment elle s’élevait, plus visible devenait l’abîme qui s’ouvrait entre la vie réelle et l’existence imaginaire, entre la conduite grossière, vio-