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le liait au théâtre moderne et le ramenait sans cesse dans son atmosphère détestée. Il eût voulu vivre franchement, sortir d’une situation qui lui paraissait mensongère, être dans la réalité extérieure ce qu’il était dans l’intimité de son âme : mais les nécessités matérielles de l’existence le forçaient à faire des compromissions avec sa conscience. Il subissait avec peine la contrainte des circonstances : sa fière et forte nature souffrait de ne pouvoir s’épandre au dehors, de devoir se dissimuler sans cesse. Il ne pouvait dire toutes ses révoltes, il ne pouvait exprimer toutes les vérités qu’il ressentait en lui : il lui semblait qu’en se taisant il se mentait encore à lui-même. Et souvent l’expression sincère, spontanée de son sentiment lui échappait, à l’étonnement de ses auditeurs, qui ne le comprenaient plus, à la joie de ses ennemis qui, dénaturant le sens de ses paroles, s’en faisaient des armes contre lui. Ainsi il vivait au milieu de coiitinuels conflits, conflits avec le monde, conflits plus douloureux encore avec lui-même ; parfois son âme chancelait, prise d’angoisse en face d’une situation irrémédiable, envahie toute par le désir de la mort.

Wagner continua pourtant à vivre, soutenu par le seul amour de son art, et s’efforça de reconnaître quelles possibilités lui offrait encore l’avenir. Il était à même d’étudier à fond