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PRÉFACE.

Dans l’hiver qui précéda la fin foudroyante de notre pauvre ami Alfred Ernst, je fus frappé à plusieurs reprises de sa croissante âpreté au travail. On eût dit que les semaines n’avaient plus pour lui assez de jours, ni les jours assez d’heures. Bien qu’il souffrît d’une grande fatigue, l’idée du repos l’inquiétait comme s’il y eût senti un obstacle à l’accomplissement de tâches chèrement assumées. Je me rappelle son sursaut, un certain dimanche où nous revenions ensemble du Concert Lamoureux, lorsqu’un jeune homme, gracieusement interrogé par lui sur une étude projetée, lui répondit : « Bah ! J’ai le temps ! » Ernst, très vivement, lui répliqua : « Voilà une parole imprudente. Personne n’est assuré d’avoir devant soi ni un an, ni un jour. Si nous voulons, au bout de notre vie, avoir fait quelque chose, il n’est que sage de ne pas perdre un instant. » Cette maxime, en laquelle triomphait son ardente volonté de produire des œuvres d’art et de doctrine, a dominé toute son existence. Elle nous explique, sinon la puissance, au moins la diversité et la logique soutenue de ses efforts.

Alfred Ernst était un esprit d’une hauteur, d’une ouverture et d’une noblesse admirables. Fils d’un professeur de littérature d’origine alsacienne que les circonstances avaient conduit à Périgueux, il eut en lui simultanément le don scientifique et le