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UNE VISITE À BEETHOVEN

est digne d’être Anglais. C’est un bien grand homme, et je ne tarderai pas à faire sa connaissance.

Je demeurai pétrifié ; cette affreuse aventure m’ôtait désormais tout espoir de voir s’accomplir le plus ardent de mes vœux.

Je restai convaincu dès lors que toutes mes démarches pour avoir accès auprès de Beethoven seraient désormais infructueuses ; et, d’après la position de mes finances, je n’avais plus d’autre parti à prendre que de retourner sur mes pas, ou bien de risquer encore, pour parvenir à mon but, quelque tentative désespérée. La première alternative me faisait frissonner ; et qui ne se serait pas révolté à l’idée de se voir à jamais exclu du port après en avoir déjà franchi le seuil ? Avant de subir une aussi cruelle déception, je résolus donc de tenter un suprême effort. Mais à quel procédé avoir recours ? Quel chemin pouvait m’offrir l’issue favorable ? Je fus longtemps sans rien imaginer d’ingénieux. Toutes mes facultés, hélas ! étaient frappées d’atonie, et mon esprit était uniquement préoccupé de ce que j’avais vu tandis que j’étais accroché aux basques du maudit Anglais. Le regard furtif que m’avait lancé Beethoven dans cette affreuse conjoncture n’était que trop significatif : il m’avait assimilé à un Anglais ! Comment détruire cette funeste prévention dans l’esprit du grand compositeur ? Comment lui faire savoir que j’étais un franc et