Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/93

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
UNE VISITE À BEETHOVEN

chez Beethoven pour autant d’Anglais, et c’était là le motif de ma cruelle exclusion. Cependant la promesse de l’hôte de me faire obtenir une entrevue de Beethoven m’empêcha de partir. L’Anglais, de son côté, lui que je détestais à présent de toute mon âme, n’avait épargné aucune intrigue, aucun embauchement pour arriver à son but, mais il avait échoué néanmoins contre la rigoureuse consigne. Plusieurs jours se passèrent pourtant encore sans aucun résultat et les revenus de mes galops baissaient sensiblement, quand enfin mon hôte me confia que je ne pouvais manquer de voir de près Beethoven, en me rendant le soir dans une certaine brasserie où il avait l’habitude d’aller, et il me donna en même temps des renseignements détaillés qui devaient m’aider à reconnaître le grand artiste. Je me sentis revivre, et je résolus de ne pas remettre mon bonheur au lendemain. Il était impossible de saisir Beethoven à son passage dans la rue, car il sortait toujours de chez lui par une porte de derrière. Il ne me restait donc que la brasserie ; mais je l’y cherchai ce jour-là inutilement, et il en fut de même durant trois soirées consécutives. Enfin, le quatrième jour, comme je me dirigeais de nouveau vers la brasserie, je remarquai avec désespoir que l’Anglais me suivait de loin avec circonspection. Le malheureux, toujours posté à sa croisée, avait remarqué ma sortie à heure fixe, cela l’avait frappé, et, per-