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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

Le désespoir commençait à me gagner. Enfin, je confiai mon désappointement au maître de l’hôtel, et celui-ci me promit de m’aplanir tous les obstacles, mais à condition de ne rien révéler à l’Anglais. Tout disposé à me méfier de ce malencontreux personnage, je prêtai volontiers le serment qu’on me demandait. — Voyez-vous, me dit l’honnête hôtelier, il vient ici une kyrielle d’Anglais pour voir M. Beethoven et lier connaissance avec lui, ce qui le contrarie à l’excès, et leur indiscrète curiosité le met tellement hors de lui-même qu’il s’est déterminé à fermer sa porte à tous les étrangers sans exception. C’est un homme un peu original, et il faut l’excuser. Cela fait, du reste, fort bien les affaires de mon hôtel, car j’ai toujours ici bon nombre d’Anglais dans l’expectative, qui, grâce à la difficulté d’aborder M. Beethoven, sont obligés de séjourner ici plus longtemps. Mais puisque vous me promettez de ne donner l’alarme à personne, j’espère vous procurer incessamment la faveur d’être introduit auprès de M. Beethoven.

Ainsi chose plaisante ! c’était parce qu’on me confondait, moi, pauvre diable, avec MM. les touristes anglais que je n’avais pu réussir dans mon pieux dessein. Oh ! mes pressentiments n’étaient que trop vérifiés. Je devais à l’Anglais maudit la plus amère des déceptions. Je me déterminai aussitôt à déménager, car il était clair que tous les hôtes de cette auberge passaient