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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

ment du quartier qu’habitait le grand compositeur, afin de me loger autant que possible dans son voisinage. Presqu’en face de sa demeure, je trouvai un hôtel de modeste apparence, où je louai une petite chambre au cinquième étage, et là je me préparai à l’événement le plus solennel de ma vie. Je consacrai deux jours au repos, et après avoir jeûné et prié, indifférent à tout le reste, je m’encourageai de mon mieux, et je me dirigeai tout droit vers la maison consacrée par le génie. Mais on me dit que M. Beethoveen n’était pas chez lui. Je ne sais pourquoi j’en fus bien aise, je me retirai, et me livrai à un nouveau recueillement. Le lendemain, après avoir essuyé quatre fois la même réponse, toujours plus rudement accentuée, je me persuadai que j’avais choisi un jour malencontreux, et je n’insistai pas davantage.

Comme je rentrais à mon hôtel, quelqu’un qui se trouvait à la croisée du premier étage m’adressa un salut amical : c’était mon voyageur anglais. — Avez-vous vu Beethoven ? me dit-il. — Pas encore, il n’y était pas, lui répondis-je, fort surpris de cette rencontre inattendue. Alors il vint au-devant de moi sur l’escalier, et m’obligea avec une extrême affabilité à entrer chez lui. — Monsieur, me dit-il, je vous ai vu vous présenter cinq fois au logis de Beethoven. Il y a déjà plusieurs jours que je suis ici, et c’est pour être voisin de sa demeure que je me suis logé dans ce vilain hôtel. Je vous assure qu’il est très difficile