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UNE VISITE À BEETHOVEN

souhait exaucé !), mais c’est que je serais ainsi arrivé plus vite à Vienne. Malheureusement, mon renom en qualité de compositeur de galops n’était pas encore devenu assez célèbre pour me permettre une telle commodité. Cette réflexion m’inspira une résignation à toute épreuve, et je me félicitai d’avoir déjà surmonté tant d’obstacles. De quels rêves enchanteurs ne se berçait pas mon imagination ! Un amoureux revenant après une longue absence auprès de sa bien-aimée ne sent pas plus délicieusement battre son cœur. Je traversai ainsi les belles campagnes de la Bohème, ce pays privilégié des joueurs de harpe et des chanteurs nomades. Dans un petit bourg, je fis la rencontre d’une de ces nombreuses troupes de musiciens ambulants, orchestre mobile composé d’un violon, d’une basse, d’une clarinette, d’une flûte et de deux cors, sans compter une harpiste et deux chanteuses pourvues d’assez jolies voix. Pour quelques pièces de monnaie, ils exécutaient des airs de danse ou chantaient quelques ballades, et puis ils allaient plus loin recommencer le même manège. Un jour, je les trouvai de nouveau sur mon chemin, campés à l’abri d’un quinconce qui bordait la grande route, et occupés à prendre un frugal repas. Je me présentai à l’escouade comme exerçant le même métier qu’eux, et nous fûmes bientôt amis ensemble. Je m’informai timidement si leur répertoire de contredanses contenait quelques-uns des galops dont j’étais l’auteur ;