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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

ces derniers qui jouissent aujourd’hui de quelque renommée, la doivent par-dessus tout à l’excès de leur complaisance et à leur servilité pour leurs ténors ou leurs prime donne.

Il y a sans doute dans la manière italienne une séduction particulière, et celui qui a entendu les premiers sujets du Théâtre-Italien de Paris se rend aisément compte de cette prédominance usurpée par l’exécution sur la composition elle-même ; mais le plus grand malheur dans un pareil état de choses, c’est que ces artistes merveilleux sont les seuls au monde, et ne sauraient être remplacés d’aucune manière. Mais cela n’empêche pas que la fascination exercée par le succès de leur méthode fait de jour en jour plus de progrès, de telle sorte que le dommage qui en résulte ne laisse vraiment point de compensation à espérer, quelle que soit l’étendue de leur triomphe. Et la gravité de ce dommage est dans l’application du chant italien au genre de l’opéra, car nul ne songerait à contester la valeur de leur talent de virtuoses, s’ils n’exerçaient celui-ci que sur une scène appropriée et dans de justes limites. Mais ils ont annulé au théâtre tout intérêt dramatique, et ils ont persuadé à la majorité du public cette funeste illusion, que leur système satisfait suffisamment aux exigences de la musique dramatique. En effet, les chefs d’emploi de l’école italienne ne se dissimulent pas l’importance de l’action théâtrale, et leur talent incontestable leur a révélé bien des