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DU MÉTIER DE VIRTUOSE

ciable, donner à leur talent un développement idéal et grandiose. Le résultat de leurs efforts a même été de purifier et d’ennoblir la fonction du virtuose. Plusieurs de ceux-ci, en petit nombre il est vrai, et grâce à leur organisation d’élite ont touché aux sommités de l’art, principalement dans le genre instrumental ; mais encore ont-ils dû, pour asseoir et soutenir leur réputation, se résigner à capituler avec leur conscience et à sacrifier maintes fois à la mode la pureté de leur goût.

C’est surtout dans l’exercice de la profession du chant que l’abus que nous signalons a pris un empire pernicieux. Depuis longtemps on est convenu de considérer les chanteurs italiens comme le modèle absolu du genre ; c’est donc sur eux que porteront principalement nos remarques critiques. Les Italiens sont habitués à s’exercer exclusivement dans la musique dramatique, et, selon nous, il serait bien préférable qu’ils donnassent carrière à leurs talents à la manière des virtuoses instrumentistes et sur l’estrade tapissée de nos salles de concerts ; car tout ce qui constitue le matériel d’un opéra, c’est-à-dire les chœurs, l’orchestre, les décors, l’action, tout cela est pour ainsi dire non avenu avec les artistes italiens. Bref, ils sont parvenus à réduire les représentations dramatiques à de simples exhibitions musicales, et à asservir les compositeurs à leurs caprices les plus étranges, et ceux d’entre