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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

velle tâche, il substitua à la peinture franche et hardie qu’exigeait son cadre des esquisses incomplètes et mesquines de caractères partiels, ce qui lui ravit le charme du naturel et rendit son travail lourd et diffus. Weber dut s’apercevoir lui-même de ce changement défavorable, et ce fut avec un tendre remords, pour ainsi dire, qu’il revint, dans Obéron, aux inspirations primitives de la muse si chaste de ses belles années.

Après Weber, Spohr essaya aussi de conquérir le sceptre de la scène allemande, mais jamais il ne put arriver à la popularité de son rival. Ses compositions étaient trop dépourvues de cette vitalité dramatique qui doit tout échauffer, tout féconder autour d’elle, à l’instar du soleil dans la nature. Néanmoins, les œuvres de Spohr ont, sans contredit, un caractère éminemment national, car elles remuent souvent les cordes les plus sensibles de l’âme ; mais elles manquent absolument de ce contraste d’une certaine gaieté naïve, si séduisant dans les œuvres de Weber, et sans lequel toute œuvre dramatique devient monotone et insignifiante.

Marschner doit être regardé comme le continuateur le plus fidèle de ces deux maîtres. Il s’inspira aux mêmes sources que Weber et Spohr, et conquit en peu de temps une renommée assez active ; mais, malgré l’étendue de ses facultés, ce n’était pas un talent assez robuste pour soutenir et vivifier le véritable opéra allemand, remis en