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DE LA MUSIQUE ALLEMANDE

naissant ; et la constitution du territoire vient compliquer pour lui la difficulté de se faire un nom. Le compositeur d’opéras est réduit à se modeler sur le style et les habitudes du chant italien, et pour ainsi dire obligé de confier le soin de sa renommée à la scène étrangère, puisque sa patrie ne possède pas de théâtre national dans l’acception complète du mot. On peut affirmer, en effet, que le musicien qui donne un ouvrage à l’Opéra de Berlin restera absolument inconnu à Vienne ou à Munich, et ce n’est qu’après avoir été promulgué au-delà des frontières que son succès aura du retentissement dans les différents cantons de l’Allemagne. Autrement toutes les productions allemandes ont, partout ailleurs qu’au lieu de leur apparition, un air d’élucubration provinciale, et si cela est vrai même pour les artistes les plus distingués des grands centres de population, que sera-ce pour les modestes représentants des villes de second et de troisième ordre ? Je sais bien que le vrai génie finit par triompher de tous les obstacles, mais ici ce sera presque toujours aux dépens de son indépendance nationale. Quoi qu’il en soit, le talent musical des Allemands aura toujours pour signe distinctif une certaine originalité de terroir ; aussi, pour une foule de chansons exclusivement populaires en Prusse, en Autriche, en Souabe, etc., nous ne possédons pas un seul hymne national allemand.

Ce défaut de centralisation, tout en nous pri-