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HALÉVY ET LA « REINE DE CHYPRE »

ennoblir leur talent, les adeptes de cette école si respectée préfèrent ramasser ce que ceux-là jettent loin d’eux avec un sentiment de pudeur et de mépris. S’il ne s’agissait que d’amuser les oreilles du public par la voix de tel virtuose ou de telle cantatrice en faveur, — n’importe ce qu’ils chantent, et en ne tenant compte que de l’exécution, — ce serait un assez bon calcul de la part de ces messieurs de chercher à satisfaire de la manière la plus commode du monde (c’est-à-dire à la manière italienne) aux exigences d’un public assez peu difficile pour n’en point demander davantage. Il est vrai que, dans ce calcul, le but auquel doit s’attacher tout véritable artiste, celui d’ennoblir et d’élever l’âme par la jouissance, n’entrerait pour rien. Mais l’expérience nous prouve que ce serait commettre une criante injustice envers le public des deux Opéras de Paris, que de lui attribuer un goût si peu éclairé et si facile à contenter. Les jugements du parterre du Grand-Opéra font loi dans le monde musical, et la foule qui se presse aux représentations de Richard-Cœur-de-Lion donnerait un démenti accablant à une pareille assertion. Sans doute il se trouve des gens, et même des gens d’esprit et de goût, qui sont tout fiers de vous dire que Rossini est le plus grand génie musical de notre temps. Oh ! sans doute, beaucoup de circonstances se réunissent pour prouver que Rossini est un homme de génie, surtout