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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

C’est un motif de plus pour regretter que nos jeunes compositeurs français n’aient pu trouver la force de suivre les traces de l’auteur de la Juive. Et ce qu’il y a de plus déplorable, c’est qu’ils ont eu la lâcheté de subir l’influence des compositeurs italiens à la mode. Je dis lâcheté, parce qu’en effet ce me semble une faiblesse coupable et honteuse de renoncer à ce que l’on trouve de bien dans son propre pays, pour singer les médiocrités étrangères, et cela sans autre motif que de profiter d’un moyen facile et commode de surprendre la faveur passagère de la masse inintelligente.

Tandis que les maestri italiens, avant de paraître devant le public parisien, se livrent à de sérieux travaux, afin de s’approprier les grandes qualités qui distinguent l’école française ; tandis qu’ils s’appliquent sérieusement (ainsi que Donizetti l’a prouvé récemment et à son grand honneur dans la Favorite) à se conformer aux exigences de cette école, à donner plus de fini et plus de noblesse aux formes, à dessiner les caractères avec plus de précision et d’exactitude, et surtout à se débarrasser de ces accessoires monotones et mille fois usés, de ces ressources triviales et stéréotypées dont l’abondance stérile caractérise la manière des compositeurs italiens de notre époque ; tandis que ces maestri dis-je, par respect pour la scène où ils veulent se produire, font tous leurs efforts pour retremper et