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HALÉVY ET LA « REINE DE CHYPRE »

lité, a bien pu électriser le public allemand, mais sans éveiller les sympathies complètes que nous éprouvons pour une production à laquelle nous livrons sans réserve notre âme et nos facultés. Voilà comment il faut expliquer ce fait assez bizarre, que pendant longtemps sur les théâtres de l’Allemagne on n’ait à peu près entendu que de la musique française, sans qu’un seul compositeur ait manifesté l’intention de se familiariser avec le style et les brillantes ressources de cette école ; et pourtant les artistes pouvaient espérer, en suivant cette voie, de répondre aux exigences momentanées du public.

Tout au contraire, la Juive d’Halévy fit une forte et double impression en Allemagne : non seulement la représentation de cette œuvre constata la puissance qui ravit et qui secoue l’âme profondément, mais elle sut éveiller ces sympathies internes et externes qui dénotent la parenté. Ce fut avec un étonnement plein de bonheur et à sa grande édification, que l’Allemand reconnut dans cette création, qui renferme d’ailleurs toutes les qualités qui distinguent l’école française, les traces les plus frappantes et les plus glorieuses du génie de Beethoven, et en quelque sorte la quintessence de l’école allemande. Mais quand même cette parenté ne se fût pas manifestée tout d’abord d’une manière si évidente, le style d’Halévy, dans sa diversité, dans son universalité, tel enfin que nous avons essayé de le caractériser