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LE FREISCHÜTZ

plus haut ; si au lieu de tous les magnifiques récitatifs qui vous frapperont de commotions profondes, vous n’aviez qu’à écouter le dialogue sans prétention que les écoliers savent par cœur en Allemagne, auriez-vous une intelligence plus complète du Freischütz ? Vous sentiriez-vous disposés à vous laisser aller à cet enthousiasme rêveur qu’il a inspiré à quarante millions d’Allemands ? Soulèverait-il chez vous les transports unanimes que la Muette de Portici a soulevés chez nous ? Hélas ! j’en doute. Et peut-être M. Pillet, lui aussi, a-t-il senti le doute passer sur son âme comme un sombre nuage, lorsqu’il chargea M. Berlioz de pourvoir le Freischütz de ballets et de récitatifs. C’est un grand bonheur que ce soit M. Berlioz qui ait été appelé à remplir cette tâche. Sans doute, nul compositeur allemand n’eût osé entreprendre une œuvre pareille par piété envers l’œuvre et l’artiste. Or, en France, il n’y avait que M. Berlioz dont le talent et la conscience artistique fussent à la hauteur d’un tel travail. Nous avons au moins la certitude que, jusqu’à la note la moins importante, tout sera respecté, qu’on ne retranchera rien, et qu’on n’ajoutera que ce qu’il faudra strictement ajouter pour satisfaire aux statuts de l’établissement, que vous paraissez bien décidés à ne pas vouloir enfreindre. Et c’est là ce qui m’inspire de sombres pressentiments au sujet de notre bien-aimé Freischütz. Ah ! si vous pouviez, si vous