Page:Wagner - Dix Écrits, 1898.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

gences extérieures qui lui sont étrangères. Eh quoi ! une partition consacrée par vingt ans de succès, en faveur de laquelle l’Académie royale de musique veut bien déroger à ses lois, si rigoureuses d’ailleurs, pour participer, elle aussi, à un des plus éclatants triomphes que jamais pièce ait obtenu à aucun théâtre, une telle partition ne pourrait faire céder certaines règles routinières ? On ne pourrait exiger qu’elle y parût dans sa forme primitive, qui est une partie essentielle de son originalité ? Voilà pourtant le sacrifice que l’on exige. Croyez-vous que je me trompe ? Croyez-vous que les récitatifs et les ballets que vous ajouterez après coup n’altéreront en rien la physionomie de l’œuvre de Weber ? Croyez-vous qu’en substituant à un dialogue naïf, rempli parfois d’une gaieté spirituelle, un récitatif qui dans la bouche des chanteurs devient toujours un peu traînant, vous n’effacerez pas ce caractère de cordialité franche et joyeuse que respirent les scènes entre les bons paysans de la Bohême ? Les causeries des deux jeunes filles dans la maison du forestier ne perdront-elles pas nécessairement de leur fraîcheur, de leur vérité ? Au reste, ces récitatifs, si heureusement inventés qu’ils puissent être, avec quelque art qu’on les mette en harmonie avec le ton général de l’ouvrage, n’en dérangeront pas moins la symétrie. Il est évident que le compositeur allemand a constamment eu égard au dialogue :