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LE FREISCHÜTZ

bien la partition du Freischütz et qui fût aussi capable de la compléter, si toutefois cela était nécessaire. L’auteur de la Symphonie fantastique est un homme de génie ; personne plus que moi ne reconnaît l’énergie irrésistible de sa verve poétique ; il y a chez lui une conviction consciencieuse qui fait qu’il n’obéit jamais qu’à l’inspiration impérieuse de son talent ; dans toutes ses symphonies se révèle une nécessité intérieure à laquelle l’auteur ne pouvait se soustraire. Mais c’est précisément à cause des éminentes qualités qui distinguent M. Berlioz que je lui soumets en toute confiance mes observations au sujet de ce travail.

La partition du Freischütz est un tout complet, coordonné dans toutes ses parties sous le double rapport de la pensée et de la forme ; y ajouter, en retrancher quelque chose, si peu que cela puisse être, n’est-ce pas en quelque sorte dénaturer, mutiler l’œuvre du maître ? S’agit-il ici d’approprier aux besoins de l’époque une partition qui remonte à l’enfance de l’art, de refaire un ouvrage que l’auteur primitif n’aurait pu développer suffisamment, faute de connaître les moyens techniques dont nous disposons aujourd’hui ? Tout le monde sait qu’il ne peut être question de tout cela, et M. Berlioz repousserait avec une juste indignation toute proposition de cette nature. Non, il s’agit de mettre une œuvre originale, complète, en harmonie avec des exi-