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IX
AVANT-PROPOS

cles qui nous occupent en nouvelles littéraires et en critiques musicales.

Les deux nouvelles intitulées Une Visite à Beethoven et Un Musicien étranger à Paris présentent un multiple intérêt. Ce ne sont pas seulement des relations circonstanciées d’événements capables de fixer l’attention, d’exciter la curiosité ; ce sont aussi des pièces de caractère et des peintures de mœurs vives et vigoureuses où une délicate raillerie, qui n’offense jamais, divertit toujours. Ces ouvrages constituent des documents autobiographiques qui exerceront indubitablement une immense séduction sur tous les wagnéristes et qui devront être consultés par les futurs psychologues, révélateurs de l’âme du maître de Bayreuth, car il y fait avec une touche énergique, colorée et poétique le récit des expériences qu’il tenta pour se produire et des longues souffrances qu’il éprouva dans ce resplendissant Paris, béante gueule toujours prête à dévorer l’artiste pauvre. Ces productions renferment en outre des aperçus très fins, des vues profondes sur la métaphysique de la musique. Elles contiennent un grand nombre d’idées géniales qui, en 1841, ont pu paraître confuses, paradoxales et fausses, mais qui, aujourd’hui, sont comme les bases de l’art musical. Finalement, on rencontre dans ces écrits la profession de foi de Wagner ; on y voit les transports d’admiration excités en lui par les saintes et sublimes œuvres des héros-musiciens. Et il est telles pages de ces deux petits chefs-d’œuvre, qui sont peut-être le plus superbe monument élevé à la gloire de Beethoven.

Ces nouvelles sont propres à impressionner, à empoigner, parce qu’elles sont enveloppées d’une grande tristesse, et qu’elles crient le cruel chagrin d’un cœur malade et ulcéré. Néanmoins, une riche imagination, une extraordinaire grandeur d’âme s’y manifestent puissamment. C’est donc, tout ensemble, de l’amertume, de la raillerie et de l’en-