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DIX ÉCRITS DE RICHARD WAGNER

traire et se rassurer, un pieux et fidèle amour dans le cœur ! Sa bien-aimée n’était-elle pas son génie tutélaire ? N’était-elle pas lange de grâce et de pureté qui le suivait partout, rayonnait en lui, et répandait sur toute sa vie intérieure la paix et la sérénité de l’innocence ? Depuis qu’il aimait, ce n’était plus le chasseur fier et impitoyable, s’enivrant de sang et de carnage. La jeune fille lui avait appris à connaître ce qu’il y a de divin dans la création, à comprendre ces voix mystérieuses qui lui parlaient dans la solitude des bois. Maintenant il se sentait parfois ému de compassion p’our le chevreuil qui passait gracieux et léger dans les taillis, et ce n’était souvent qu’à regret qu’il obéissait aux cruelles obligations de son état ; et il pleurait quand il voyait des larmes dans les yeux du noble gibier abattu à ses pieds. Pourtant ce rude et cruel métier de la chasse, il devait l’aimer, car par son adresse seule, et à titre du plus habile tireur, il pouvait prétendre à la main de sa bien-aimée. La fille du forestier n’appartenait qu’à celui qui, le jour même des noces, gardait assez de sang-froid pour sortir vainqueur de la lutte ; le coup d’épreuve décidait du sort des deux amants. Malheur au jeune homme dont la balle déviait seulement de l’épaisseur d’un cheveu ! Fiancée et avenir, il perdait tout à la fois !

Or, à mesure que l’époque approchait où sa destinée devait se décider pour toujours, le sort