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LE FREISCHÜTZ

sante qui, de temps à autre, semblait contenir violemment sa fureur. Les cimes poussaient de sinistres hurlements que des bouffées de vent portaient au fond de l’abîme, d’où sortaient, l’instant d’après, des cris plaintifs qui passaient si près de l’oreille du chasseur, qu’il en ressentait jusqu’au fond du cœur une secousse douloureuse.

Par moment s’élançaient du gouffre des essaims innombrables d’oiseaux de proie qui planaient et se déroulaient en nappe immense et sombre, et puis se replongeaient dans la nuit. Jamais parmi les hôtes ailés de ces forêts, on n’en avait aperçu d’une forme aussi bizarrement affreuse. Le croassement du corbeau semblait doux comme le chant du rossignol auprès des cris enroués, des gémissements sourds et rauques qui sortaient de ces noirs bataillons, et frappaient l’âme d’épouvante et d’horreur.

Le chasseur le plus intrépide, familiarisé dès longtemps avec tous les dangers de ces forêts, avec tous les fantômes de la nuit, s’enfuyait comme un faon timide, poussé par une anxiété indicible ; et sans chercher à retrouver les sentiers qui lui étaient connus, il courait au hasard vers la plus prochaine habitation où il pût rencontrer des êtres humains, et raconter ce qu’il avait vu, ce qu’il avait entendu.

Heureux le jeune homme qui, après avoir été témoin d’un pareil spectacle, avait, pour se dis-