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LE MUSICIEN ET LA PUBLICITÉ





CAPRICES ESTHÉTIQUES


Extraits du Journal d’un musicien défunt.


Souvent quand je suis seul, et que les fibres musicales se mettent à vibrer dans ma poitrine ; que les sons divers et confus se groupent en accords, et que j’en sens jaillir enfin l’idée qui révèle tout mon être ; que l’enthousiasme m’enflamme, fait battre mes artères sous des pulsations violentes, et s’épanche de mes yeux mortels en larmes divines, souvent alors je me dis à part moi : « Ne suis-je pas vraiment un grand fou, de ne pas vivre toujours ainsi avec moi-même, de laisser là toutes ces félicités intimes, de me pousser à toute force au grand jour, et de me produire vaniteusement devant le public, dont les suffrages, si complets, si éclatants qu’ils puissent être, ne me donneront pas la centième partie des jouissances qui m’attendent dans la solitude ? Pourquoi tous ces mortels privilégiés, dont le cœur brûle du feu de l’inspiration divine, quittent-ils leur sanctuaire ? Pourquoi courent-ils